mercredi 28 septembre 2016

L'engagement


Le Pacha, François Boucher
« Oui, l'homme est l'animal social par excellence : il l'est davantage que l'abeille, que tous les autres animaux qui vivent réunis. La nature ne fait rien en vain. Seul entre les animaux, l'homme a l'usage de la parole ; d'autres ont, comme lui, le développement de la voix pour manifester la douleur et le plaisir. La nature, en leur donnant des sensations agréables ou pénibles, les a pourvus d'un organe propre à les communiquer aux individus de leur espèce ; .elle a borné là leur langage; mais elle a doué l'homme de la parole pour exprimer le bien et le mal moral, et par conséquent le juste et l'injuste; elle a fait à lui seul ce beau présent, parce qu'il a exclusivement le sentiment du bon et du mauvais, du juste et de l'injuste, et de toutes les affections qui en dépendent. C'est la communication de ces sentiments moraux qui constitue la famille et l'État. » POLITIQUE D'ARISTOTE, CHAPITRE II. De l'État.
Ce qui permet à l’homme de fonctionner socialement, ce sont la biologie, le langage, les concepts, les émotions partagés… Même si nous pensons être une citadelle, cette citadelle même est faite de ce que nous partageons, des millions de tentacules. Nous existons par la grâce d’autres, nous sommes faites d’autres. Des animaux sociaux constituant des corps sociaux. Et tout comme les individus, les corps sociaux peuvent imaginer qu’ils sont des citadelles. Mais les corps sociaux aussi ont des milliards de tentacules, existons par la grâce d’autres corps sociaux et sont faits d’eux.

Śantideva va plus loin et imagine le plus grand corps social possible, comprenant toutes les espèces, qui de de toute façon font déjà partie du génome des êtres sociaux, et c’est ce grand corps social maximal qu’il considère le Soi.
« 112. Pourquoi ne pas considérer
Les corps des autres comme « moi » ?
Transférer [l’idée] de « mon corps »
A celui des autres n’est guère plus difficile
« 114. Tout comme les mains etc.
Sont considérées comme des parties du corps
Pourquoi ne pas considérer ceux qui ont un corps (dehinaḥ)
Comme des parties de l’univers (jagat
) ? 
115. Tout comme ce corps sans essence individuelle (nirātmaka)
A pu produire l’idée de « moi », à force d’habitude
Pourquoi ne pas produire l’idée de « moi »
[En l’appliquant] à tous les autres êtres ?
 
116. En se souciant des autres de cette façon
Cela ne sera pas un geste produisant de la fierté ou de l’émerveillement
Ce serait [tout simplement] comme l’acte de manger
Dont on n’attend aucun retour [non plus]
117. Par conséquent, tout comme [auparavant] je me protégeais
Contre la moindre atteinte à ma réputation
Je me vouerai [désormais] à la protection des autres
Et à développer un esprit altruiste
. »
C’est très simple. Pas besoin d’apprendre les définitions des divers termes techniques bouddhistes, de déterminer ce que le Bouddha a dit, aurait pu dire et n’a jamais dit… On laisse les golems linguistiques du non-soi, de la vacuité, des expédients, de la « folle sagesse », les expériences certifiables et certifiées ou non etc. se débrouiller entre eux et l’on s’engage dans « la protection » du grand corps social dans son ensemble. C’est par cet objectif que l’on pourrait juger si une action est « habile » ou non. Par exemple, la gratification (sexuelle ou autre) d'un Maître est-elle dans l’intérêt des êtres, s’agit-il là d’un acte habile (upāya) ? Śantideva nous aide à mettre les choses en perspective.

Voilà pour l’engagement (upāya). Si en plus celui-ci pourrait être sage



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